La faillite de la banque ouest-allemande Herstatt en 1974 a entraîné une profonde révision du système bancaire afin de lutter contre le risque de change.
—
La Banque Herstatt et le contexte des années 1970
Dans les années 70, la banque Herstatt (Bankhaus Herstatt) est une banque familiale d’Allemagne de l’ouest avec une forte activité liée aux marchés des changes. Sur son marché domestique, la banque connaît quelques difficultés financières, et doit de fait remplir des obligations face à la chambre de compensation, obligations qui doivent être payées en monnaie allemande, c’est-à-dire à l’époque en marks. Pour se faire, elle décide d’utiliser le marché des changes en vendant des dollars pour se procurer des marks. Toutefois, l’importance de l’activité « change » de la banque Herstatt se trouve totalement disproportionnée par rapport à son bilan, et la part croissante de devises dans son financement inquiètent les banques concurrentes qui deviennent de plus en plus rétissantes à réaliser avec elle ce type d’opérations. La banque allemande se révèle donc rapidement incapable d’approvisionner son compte de clearing et de faire face aux obligations imposées par la chambre de compensation.
Le 26 juin 1974, la banque centrale allemande (Bundesbank) ordonne la cessation des activités de la banque Herstatt et lui retire sa licence. Cette suspension a lieu à la clôture des marchés en Allemagne. Aux vues de la taille de la banque concernée, elle n’a quasiment aucun impact sur le marché intérieur. Cependant, par le jeu des transactions sur le marché des changes, elle va avoir de graves répercussions outre-Atlantique.
—
La faillite de la banque Herstatt en 1974
La suspension des activités de la banque entraîne la suspension de ses paiements sur tous les marchés. Le problème se noue alors autour du décalage temporel qui existe sur le marché des changes. En effet, plusieurs banques américaines avaient déjà versé des contreparties irrévocables en Deutschemarks à la banque Herstatt avant sa cessation d’activités, sans avoir touché la contrepartie en dollars. Lorsque le correspondant de la banque allemande à New-York apprend la fermeture de l’institution à laquelle il était rattaché, il suspend immédiatement les paiements sur le sol américain. De nombreuses banques se retrouvent alors avec des créances en blanc, étant incapables de récupérer les contreparties dues par la banque Herstatt. Les volumes d’opérations non payées ont été estimés à près de 200 millions de dollars.
La cessation des activités de la banque allemande suscita donc une réaction en chaîne auprès des banques américaines, incapables de récupérer les sommes qui leur sont dues. C’est tout le système de paiement et de règlement du marché des changes qui est atteint. Plusieurs banques américaines, fortes de cette expérience, refusent alors d’ordonner le paiement de leur contrepartie tant qu’elles n’ont pas réceptionné la contre-valeur. En trois jours, les montants qui circulent sur le marché des changes diminuent de 60%. A partir de là, le risque qui existe sur ce marché et qui est inhérent au décalage temporel entre les différents acteurs est appelé « risque Herstatt ». Il se définit comme le risque qu’une des parties livre la devise sans jamais recevoir de règlement en retour.
—
Les conséquences de la faillite de la Banque Hertstatt
La faillite de la banque Herstatt et l’effet boule de neige qu’elle eut sur le marché des changes servirent de révélateur du risque inhérent à ce type de transactions. Elle permit également de mettre en valeur un risque systémique sur le marché bancaire, lié à l’internationalisation des échanges, à l’importance des volumes échangés et au décalage horaire. Si la banque Herstatt était une petite banque familiale, elle n’est cependant pas passée loin de mener à la faillite certaines grandes banques américaines.
Peu de temps après la faillite, Peter Cooke, le directeur de la Banque d’Angleterre propose la réunion d’un comité des banques centrales, des organismes de réglementation et de surveillance bancaire des pays du G10. Sa proposition trouve un écho favorable puisque les leaders bancaires décident d’intervenir et d’instaurer des normes de sécurisation et de prévention du risque systémique. C’est ainsi qu’est créé le Comité de Bâle regroupant les directeurs des banques du G10 : Grande-Bretagne, France, Espagne, États-Unis, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Italie, Suisse, Suède, Canada et Japon. Ce comité sera en autre, à l’origine des accords de Bâle (1988) et Bâle II (2004)… qui imposent la mise en place d’un nouveau ratio, dit ratio McDonough qui intègre pour la première fois le risque de crédit, le risque opérationnel et le risque de marché. Les banques centrales cherchent également à limiter la prise de risque en incitant les banques à diminuer leur durée d’exposition. Cela passe par deux procédés : l’amélioration des méthodes de mesure et de gestion de l’exposition au risque, et la limitation du délai entre le règlement des deux volets d’une transaction.
Si ces actions ont eu un impact réel, elles n’ont toutefois pas empêché de nouveaux incidents similaire, d’une moindre ampleur cependant, comme la faillite du groupe Drexel Burnham Lambert en février 1990 ou la liquidation de la BCCI en juillet 1991.
—
FB pour © FB BOURSE.COM