Mercredi octobre 30th 2024

La Panique des banquiers de 1907

La Panique bancaire de 1907

La panique des banquiers d’octobre 1907

En octobre 1907, la sphère économique et financière américaine est secouée par une grave crise bancaire, dite « panique des banquiers » provoquée par une opération de spéculation financière lancée par les frères Heinze.

L’échec du « corner » des frères Heinze

La crise bancaire d’octobre 1907 ou « la panique des banquiers » se déclenche à la suite d’une opération dite de « corner » lancée par Otto Heinze. Cette opération financière a consisté en un jeu de spéculations parallèles à la baisse puis à la hausse afin de s’enrichir sur les fluctuations de valeur des actions de l’United Copper.  Cela en faisant main basse sur un maximum de titres de la compagnie visée pour en devenir le faiseur de prix.

Les frères Heinze, à l’origine de la crise de 1907

Les frères Heinze, Otto et Fritz August, sont de riches financiers américains qui ont fait fortune dans le cuivre du Montana. Avec leurs relations, le banquier Charles W. Morse et le président de la Knickerbocker Trust Company, Charles T. Barney, ils détiennent des parts importantes dans les principales institutions bancaires et financières new-yorkaises, en particulier la caisse d’épargne du Montana et la Mercantile National Bank dont August Otto est le président. Leur position au sein de l’édifice financier rend le système dépendant de leur succès.

Otto Heinze veut réaliser via sa société Otto Heinze & Company une opération de corner sur les actions de la société United Copper. Pour réaliser ce rachat massif, il s’allie avec son frère et mobilise son réseau pour soutenir son « projet ». Cependant, le 9 octobre 1907 Otto Heinze se rend compte qu’il a relativement mal évalué la situation des actions United Copper sur le marché. Il pensait détenir la majorité des titres disponibles. Cependant, les emprunteurs n’ont aucun mal à trouver des actions  auprès d’autres agents que les Heinze ce qui leur permet de peser sur le cours de l’action et de contrer le but du corner. La réussite de l’opération semble donc plus difficile que prévue. Face à ce constat, Otto Heinze va chercher le 10 octobre le soutien de Charles T. Barney, de Charles W. Morse et de son frère. Ceux-ci avaient déjà financé certaines opérations d’Otto. Il explique qu’il lui faudrait pour réussir le corner autour de 3 millions $. Les 3 hommes refusent. Otto décide d’y aller seul. Le 12 octobre l’action passe de 45.5$ à 37.75$ en à peine 2 heures de cotation. La situation semble difficile, des positions baissières sont toujours présente sur le marché. Otto pense cependant, que son opération peut réussir. Il prend contact dans la nuit du dimanche 13, avec Philip Kleeberg associé dans le courtier Gross Kleeberg. Il lui demande d’acheter massivement des titres de l’United Copper (6000 actions) ainsi que les certificats émis par la société. Le lundi 14, l’action ouvre normalement à 39.75$ mais rapidement le titre flambe à 60$. Après, la forte hausse du lundi, des rumeurs circulent. Le mardi l’action clôture à 52.75$. Ce même jour, Otto reçoit une demande de son courtier Gross Kleeberg pour payer les milliers de certificats achetés lundi et mardi. La facture s’élève à 630.000$. Selon la loi du marché, Otto doit payer ce montant aujourd’hui à 14h15. Il ne peut pas. Le courtier Gross Kleeberg se voit obligé de fermer. Le mercredi 16 octobre l’action perd les deux tiers de sa valeur (passant rapidement sous les 30$). Otto Heinze en sort complètement ruiné, et va entraîner dans son sillage la sphère financière américaine.

Le mouvement de domino de la crise : « la panique des banquiers »

Cet échec du corner sur United Copper entraîne la chute de plusieurs institutions bancaires dans son sillage selon un effet domino extrêmement rapide. Dans un premier temps c’est Gross & Kleeberg, société de courtage dont Otto Heinze était le client, qui doit cesser ses opérations le 16 octobre.  L’Otto Heinze & Company est suspendue de la bourse le même jour.

La caisse d’épargne du Montana, possédée par son frère, compte alors de très nombreux crédits garantis sur les actions de la United Copper. La faillite de cette dernière entraîne donc sa cessation de paiement. Sa chute impacte fortement, la Mercantile National Bank de New York en raison des liens commerciaux étroits entre les deux banques mais surtout en raison de la présence d’August Heinze à la présidence de cette dernière.  Les rumeurs de faillite ont raison de la santé financière de cette institution qui voit en quelques jours ses caisses vidées par les déposants.

Le manque de confiance envers les frères Heinze et leurs collaborateurs, Charles Morse et Charles Barney, impacte l’ensemble de la profession bancaire. Il entraîne rapidement un assèchement total du marché interbancaire engendrant de nouvelles faillites d’établissements financiers (Trust Company of America, Lincoln Trust Company…).

Le plan de sauvetage de JP Morgan

Alors que le manque de confiance se généralise et engendre une situation catastrophique sur les marchés, c’est l’intervention d’un homme qui va permettre de rétablir un semblant de stabilité.

J. Pierpont Morgan, un des plus célèbres banquiers de la ville de New-York prend les choses en main et se sert de ses nombreux réseaux pour rétablir la fluidité des prêts interbancaires. C’est lui qui durant toute la fin du mois d’octobre réunit les présidents des sociétés fiduciaires puis des banques pour les forcer à rétablir les prêts qui sont indispensables pour éviter la faillite des institutions les plus fragilisées.

Ainsi, le 24 octobre 1907, la bourse de New York est sauvée par un prêt de 23.6 millions de dollars qu’il réussit à réunir en moins de 20 minutes, empêchant une fermeture prématurée de la bourse qui aurait entraîné un nouveau mouvement de panique.

Il négocie également le rachat par U.S. Steel de la société Tenessee Coal, Iron & railroad company (TC&I) afin d’éviter la faillite de cette dernière et ainsi sauver les sociétés de courtage qui possèdent les actions de cette entreprise comme garantie. C’est l’action de Morgan qui permet de rétablir la confiance et ainsi résorber la panique bancaire.

Les conséquences de la crise de 1907

La crise de 1907 a trois effets importants sur la sphère financière américaine :

-L’enracinement de la suprématie de Morgan qui s’inscrit par le biais de cette crise comme l’homme providentiel du système financier et bancaire américain. Sa banque devient en peu de temps l’instance de dernier recours du système financier américain.

-L’assouplissement des lois anti-trust de Roosevelt : face à la gravité de la situation économique, le président américain dut revenir sur la rigidité de ses lois anti-trust. C’était pourtant son cheval de bataille depuis son élection, afin de permettre le rachat de certaines compagnies proches de la faillite par des entreprises plus viables. L’objectif était  éviter une chute brutale et massive de leurs actions.

-La création d’une banque centrale: la crise de 1907 a révélé l’absence problématique d’une banque centrale américaine qui serait capable de suppléer aux déficits financiers en période de crise.

Finalement, après le constat de la nécessité d’un tel organisme face à des crises comme celles de 1907, une conférence des plus importants banquiers américains est convoquée par Aldrich en 1910. Son rapport final, qui fut débattu pendant deux ans au parlement américain entraîna la création par la loi du 22 décembre 1913 de la Réserve Fédérale Américaine.

FB pour © FB BOURSE.COM

Réagir à cet Article